Les méthodes d’action : un levier vivant et agissant en formation et en coaching.

Dans le cadre de la formation et du coaching en entreprise, les méthodes d’action sont une ressource particulièrement vivante et agissante pour faciliter le changement et l’apprentissage individuel ou en groupe. Il ne s’agit pas d’un effet de mode, mais au contraire d’une consolidation de « vieilles » pratiques qui se sont modernisées, affinées depuis un siècle, à savoir que conjuguer la parole et l’action dans les métiers d’accompagnement augmente les chances de résultat. Cette affirmation se fonde sur les feed-back de centaines de participants ainsi que les observations de l’auteur au cours de ces 10 dernières années.

Vivant

Ce terme employé ci-dessus à dessein renvoie au fait que les méthodes d’action mobilisent non seulement la parole, mais également la présence corporelle des membre d’un groupe ou d’une équipe. Ce faisant, on passe de la réunion à la réunion-mobilisation, que ce soit pour aborder le fonctionnement d’une équipe, ou d’un thème en formation. Les témoignages sont nombreux pour en relever l’aspect dynamique, interactif  et mobilisateur, lorsque le sujet est pertinent.

Exemple 1

Dans le cadre d’une médiation concernant une équipe de 8 personnes, après l’étape de recherches de solutions sous la forme de brainstorming, celles-ci sont représentées par des chaises et situées dans l’espace… les membres viennent se positionner derrière leur solution préférée, puis chacun argumente. Ensuite ils sont invités à aller vers leur solution détestée et argumenter. Plusieurs mouvements avec échanges verbaux sont produits, certaines solutions éliminées, certaines solutions mixées, pour aboutir dans le meilleur des cas à une solution gagnant-gagnant. Dans les cas moins « bons », à clarifier le différent ou montrer qu’une issue n’est pas possible et que la médiation est terminée (pour laisser place au statut quo ou à une séparation ou à une voie juridique, etc…).

 La concrétisation des arguments dans l’espace et la mobilité accélèrent un traitement constructif et participatif du collectif. Chacun est mobilisé à s’exprimer, non seulement par le verbe dans un premier temps, mais par un choix spatial, et ce en même temps que les autres membres du groupe.

 Agissant

En étant plus seulement focalisé sur les échanges verbaux, mais en incluant l’ensemble de nos intelligences, on augmente considérablement les chances d’impact sur les membres d’une équipe / les participants d’une formation, et les résultats d’apprentissage et de changement.

Utiliser les méthodes d’action permet en effet de mobiliser plus largement nos intelligences multiples[1]: dans le désordre, intellectuelle, relationnelle, émotionnelle, visuelle, logico-mathématique, auditive, kinesthésique, spatiale, existentielle, etc… Cela offre aux personnes des occasions élargies d’apprentissage et de développement.

Origine des méthodes d’action

Le Dr J. L. Moreno crée la méthode du psychodrame au début du XXème siècle. « Méthodes d’action » est l’appellation généralement utilisée lorsque la méthode de Moreno est utilisée à des fins non-thérapeutiques. Les méthodes d’action sont avant tout une méthode et un état d’esprit qui dépasse la somme des techniques. Des auteurs écrivent sur cette méthode[2] et la développent.

Elle est une démarche qui s’appuie non seulement sur des supports d’action que l’on verra plus loin, mais également sur l’élaboration et l’intégration qui permet de mettre en perspective l’action pour lui donner du sens. Cela va permettre aux membre d’une équipe ou d’un groupe de formation de se mobiliser de manière active et d’en tirer profit par des apprentissage vécus dans l’action ou tirés de l’analyse en commun qui s’en suit.

Montrer plutôt que raconter

Dans le cadre de formation ou d’ateliers de coaching, plutôt que discuter, on mettra en scène une situation professionnelle pour la vivre, l’analyser et la mettre en perspective. Dans le cadre d’une prise de décision dans un groupe, on utilisera l’espace et l’usage de représentations (chaises, post-it, aimants…) pour accompagner le processus.

Le deuxième principe est de travailler dans « l’ici et maintenant », il s’agit de faire vivre une situation passée (accueil clientèle, situations de management…) ou future (entretien d’embauche à venir, évaluation d’un collaborateur, animation de séance…) au présent. Cette exigence donne un surcroît d’énergie et d’information par rapport au fait de raconter.

Le troisième est de permettre les interactions, entre les personnes qui mettent en scène une situation ou les membres d’une équipe dans le cadre d’un coaching d’équipe.

Le quatrième est le partage, essentiel pour permettre aux membres d’un groupe ou d’une équipe de se relier humainement. Il est frappant sur ce point précis, lors d’évaluations à chaud en direct ou plus tard sur formulaire, de noter l’importance première pour les professionnels d’échanger et de rencontrer des collègues. Ce quatrième principe des méthodes d’action permet d’inclure ce besoin et cette plus-value de l’échange de pratique au coeur de l’intervention plutôt qu’à la périphérie.

Des supports d’action

Les méthodes d’action reposent sur l’intégration et l’élaboration autour de l’action et, donc, de supports d’action. A commencer par ceux qui sont issus en ligne droite de la méthode de J.L.Moreno, à savoir la sociométrie, le sociodrame et les jeux de rôles.

Exemple 2

Usage de la sociométrie pour faciliter le démarrage d’une formation obligatoire sur l’évaluation dans un contexte administratif. Au début d’un séminaire, le formateur propose aux participants de se lever puis va, par exemple, leur demander de se classer par années d’expérience, puis par le nombre de personnes qu’ils vont avoir à évaluer – le formateur en profite pour faciliter les interactions entre les participants – et enfin donner la possibilité aux participants de se situer dans 3 espaces distincts… 1. pas envie de venir 2. ok d’être là 3. motivé et avec des attentes…

Commentaire

L’expérience (une trentaine de séminaires démarrés sur ce mode) montre lorsque les participants peuvent se positionner dans l’espace 1, puis exprimer leur mécontentement, qu’ils sont beaucoup plus à l’aise ensuite dans le séminaire, voire parfois sont les plus satisfaits de la journée. La dynamique instaurée par les mouvements facilite ce positionnement et permet de « dédramatiser » ce point banal et commun à la plupart des formations obligatoires qui donne parfois des cheveux blancs aux formateurs. Cette manière de procéder lui permet aussi de s’appuyer sur les participants les plus motivés pour fixer des objectifs actualisés.

Exemple 3

Usage de la mise en scène dans le cadre d’ateliers de coaching pour des responsables d’équipe qui se questionnent sur la manière de gérer un conflit en deux collaborateurs… en sous-groupes, les participants construisent une situation de conflit entre deux collaborateurs… ils la jouent ensuite… l’animateur en méthodes d’action, va conduire la scène, proposer à un participant du « public » de venir remplacer un instant le responsable d’équipe pour permettre à ce dernier d’observer la scène ou proposer un changement de rôle. Le but étant depermettre au responsable de se mettre à la place de l’un des collaborateurs pour mieux saisir son vécu et envisager des options plus satisfaisantes pour répondre à la question de départ.

Ces supports d’action sont également tirés de nombreuses approches qui ont développés et/ou approfondis la méthode de Moreno, par exemple la gestalt de Fritz Perls, la PNL[3] de Bandler et Grinder, qui a modélisé bon nombre de ces techniques. Ils sont également issus des méthodes actives en pédagogie, des jeux coopératifs (new games) fort utiles en team-building, des techniques théâtrales.

Ils peuvent encore s’inventer, se construire sur ce qui se passe pour le groupe, en s’appuyant sur les éléments amenés par une personne ou le groupe accompagné, comme dans les exemples 1 et 3.

Et enfin ils peuvent être construits à partir de modèles théoriques de la communication et du management – la courbe du changement, les facteurs favorisant l’épuisement professionnel, les positions de base face à un conflit, les styles de leadership, etc…

Exemple 4

Dans le cadre d’un séminaire accompagnant une cinquantaine de personnes dans un établissement scolaire qui traversait des changements importants, après avoir présenté classiquement le changement en plénière à l’aide d’un « powerpoint » sur la courbe du changement, il a été proposé aux participants de situer leur groupe par rapport à cette courbe que l’animateur avait signalé sur le sol de la salle… (à noter que le plus fréquemment, les méthodes d’action nécessitent une salle libre de tables et suffisamment spacieuse pour bouger aisément)… ensuite de quoi, l’animateur a donné la parole à des personnes situées à des différents endroits de la courbe… et a continué à favoriser les interactions (ici à l’aide d’un micro compte tenu de la taille du groupe) entre les membres du groupe.

Commentaire

Utiliser ici une méthode d’action a permis:

  • à chacun de manifester sont point de vue, non par la parole mais par son positionnement rendu visible rapidement
  • à l’ensemble des personnes de voir où se situaient les autres d’un coup d’oeil
  • d’échanger à partir de ces positions et d’interagir de manière verbale et non-verbale (en modifiant sa position dans l’espace, en se rapprochant de collègues, …) pour intégrer et faire évoluer la situation

Bénéfice secondaire pour la clôture du séminaire, l’animateur a réutilisé cette configuration pour demander à chacun, en fin de journée et en quelques minutes, de se positionner pour témoigner d’une évolution, d’une régression ou d’un statut quo par rapport au début du séminaire.

Gain d’efficacité

On le voit, l’usage des supports d’action permet un gain d’efficacité remarquable par rapport à une discussion uniquement verbale en terme d’impact sur les personnes et le collectif.

Précaution

Les méthodes d’action ne se réduisent pas aux supports. La plus-value et la qualité de l’usage de ces techniques proviennent du fait qu’elles sont intégrées dans un processus plus large dont les pourtours sont entre autres des objectifs bien identifiés (formation, team-building, journée au vert, etc…) et des mesures d’accompagnement pour exploiter ce qui est produit  et pour valoriser l’action. Le professionnalisme du consultant, du coach ou du formateur est le garant que les recettes appliquées produisent un plat de qualité. Chacun de nous sait combien l’écart peut être grand entre les intentions et les résultats !

Il est dès lors important de trouver l’équilibre dans la recherche d’intervenants entre efficacité et prise de risques et sécurité. Cet équilibre, à notre avis, dépasse l’effet de mode pour s’appuyer plutôt sur des tendances fortes et des résultats.

Pour terminer cette présentation, voici un tableau donnant une idée du périmètre où les méthodes d’action ont un sens et de l’utilité.

Champs d’application   Exemples d’objectifs visés
  • La formation d’adultes
  • Le coaching individuel
  • Le coaching et/ou la supervision d’équipe
  • Le conseil
  • La gestion d’équipe et/ou de groupe
  • L’animation de réunion
  • Toute activité à tendance éducative

 

  • Développer des compétences sociales, personnelles, professionnelles
  • Réfléchir en groupe ou en équipe
  • Faciliter des processus de décision
  • Améliorer le fonctionnement
  • Analyser des situations
  • Elaborer des projets
  • Faciliter les rencontres dans un groupe hétérogène
  • Développer un comportement en coaching individuel

 

Bibliographie brèves sur les méthodes d’action

Wiener, R. (1997). Creative training. Edition Jessica Kingsley, London.

Williams, A. (1991). Forbidden Agenda, strategic action in group. Edition Routledge, London.

Apter, N. (2008). Les méthodes d’action. Genève.

Moreno, J.L. (1972). Le théâtre de la spontanéité. Edition Desclée de Brouwer, Paris.

Ancelin-Schützenberger, A. (1970). Précis de psychodrame. Editions universitaires, Paris.

 

Bibliographie brève sur les supports d’action

Bellenger, L. et Pigallet, P. (1997). 100 exercices et études de cas pour la Formation. ESF édicteur, Issy-les-Moulineaux.

Beau, D. (2000). La boîte à outil du formateur. Editions d’organisation, Paris.

Barrier, G. (1996). La communication non-verbale. ESF Editeur, Paris.

Cauvin, P. (1997). La cohésion d’équipe, pratique du team-building. ESF Editeur, Paris.

Béville, G. (2001). Jeux de communication à l’usage du formateur. Editions d’organisation, Paris.

Paul-Cavallier, F. (1993). Jouons, la pédagogie des jeux de coopération. Editions Jouvence, Genève.

 

 


[1] Gardner, H. (2005, nouvelle édition). Les intelligences multiples. Retz. Buzan, T., Buzan, B. (1995). Dessine-moi l’intelligence. Les Editions d’Organisation. de La Garanderie, A. (1990). Les profils pédagogiques. Editions du Centurion.

[2] Wiener, R. (1997). Creative training. Edition Jessica Kingsley, London. Williams, A. (1991). Forbidden Agenda, strategic action in group. Edition Routledge, London. Apter, N. (2008). Les méthodes d’action, en cours de rédaction. Genève.

[3] Programmation Neuro-Linguistique

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